• Greffez les friches.

    Ce texte a été ecrit à la demande de la revue Fruits Oubliés et publié dans le numéro 54 daté de fevrier 2013

     

     Pour peu que vous laissiez la terre tranquille et vous verrez doucement se réinstaller la forêt.

     Prenez le temps, soyez patients, regardez bien et vous verrez grandir la forêt . Pensez que d'ici quelques siècles à peine elle devrait avoir atteint son état d'équilibre et de permanence. L'idée en tout cas est assez exaltante . Mais trêve de digressions revenons à notre sujet et au commencement des choses .

     Au début vient la ronce, c'est la pionnière, la nounou de la foret, la responsable de la pépinière, pourvoyeuse d'humus pour la terre, elle protège les jeunes arbres des agressions de toutes sortes.

     Ainsi choyés ces derniers ne tardent pas à croitre. Quand leur ramure embrassera le ciel, la ronce prendra congés. C'est une essence de lumière.

     Je pense a tout ca quand je vois un type avec une débroussailleuse dans un roncier . Je me dis c'est dingue toute cette énergie perdue . Alors qu'il suffirait qu'il se pause et qu'il reste là, contemplatif.

     D'ici quinze a vingt ans il n'y aurait plus de ronces. Pendant ce temps là il pourrait faire des confitures de mures et réfléchir sur l'avenir du vivant. Mais je m'égare encore. Revenons en au sujet.

     Si je vous parle ici des ronces ce n'est pas pour parler des dérives post-industrielles d'une société malade qui ne cesse de gaspiller ses ressources. Néanmoins, c'est a travers ce type de constat que petit à petit a germé mon désir d'une autre culture, d'une autre façon de voir l'avenir du monde.

     Je vous ferais grâce du récit détaillé des errances qui m'ont conduites depuis mes expérimentations urbaines de squatteur jusqu'aux collectifs cévennols en quête de terre et d'autonomie. Par contre je ne peux aller plus avant dans cet article sans prendre le temps de faire mention et de tirer mon chapeau à un grand monsieur que j'ai eu la chance de rencontrer longuement. Je veux parler de Maurice Chaudière. A la fois botaniste, visionnaire, apiculteur, poète,sculpteur, Maurice est surtout très généreux. Il m'a ouvert la porte de sa maison. Il m'a nourri de son pain quotidien. Un délicieux pain de maïs qu'il aime à façonner en souvenir de ses tendres années algériennes. Ainsi repus nous discutions sans fin de la culture, de la nature, du sauvage et du cultivé. Je profite donc de cette tribune pour l'en remercier encore. C'est en marchant dans ses pas que je suis parti sur le chemin de la forêt fruitière. Avec au cœur le désir d'une nature «sauvage» qui ne soit pas juste un parc d'attractions pour urbains stressés en quête de verdure. Une nature qui comblerait nos manques de primates dégénérés . C'est ainsi que suis devenu exploité végétal. Communément on dit plutôt jardinier.

     J'ai pris maintenant racine sur un flan de colline ou pendant des siècles l'homme a façonné le paysage pour y cultiver des oliviers et de la vigne. Puis les guerres sont venues, les hommes sont partis puis jamais revenus préférant devenir exploités du capital plutôt que du végétal. C'est là que j'accompagne une jeune forêt en devenir. Planté là, juste entre nature et culture, j'expérimente toute sorte de greffes en utilisant comme porte-greffes les essences spontanées du terrain.

     Je vous invite donc à une promenade des possibles, un retour d'expérience, en passant en revue les principaux porte-greffes et les modes de greffage utilisé.

     Commençons par quelques généralités sur les techniques de greffes.

     Pour le néophyte il est parfois difficile de s'y retrouver dans le nombre incalculable de techniques de greffage. En la matière il vaut mieux y aller doucement.

     Ainsi pour débuter je vous conseillerais de vous faire la main avec la greffe en couronne. Elle est assez facile techniquement. C'est une greffe a œil poussant. On la pratique au printemps aussitôt que l'écorce se détache de l'aubier. Les rameaux greffons sont prélevés durant l'hiver qui précède pendant le repos végétatif, hors période de grand froid. Ils sont ensuite conservés en jauge ou dans le bac à légumes de votre frigo si vous en possédez un. Cette greffe peut être utilisée sur des sujets de diamètre assez important. Certaines essences ne permettent pas la greffe en couronne.

     Pour les greffer à œil poussant il faut avoir recours à la greffe en fente.

     Dans un deuxième temps, lorsque ébahis par vos premières couronnes réussies vous voudrez allez un peu plus loin il vous faudra apprendre une greffe à œil dormant. La greffe en écusson est la plus utilisée. Elle se pratique en été et au début de l'automne. Elle nécessite que le sujet soit bien en sève. Elle est donc rendue délicate en période de sècheresse prolongée. Arrosez avant d'intervenir ou bien agissez quelques jours après la pluie. Maurice chaudière lui préfère la greffe en chip-budding qu'il trouve plus polyvalente et qui ne nécessite pas de lever l'écorce.

     Surtout soyez persévérants. La réussite d'une greffe dépend de nombreux facteurs autre que votre seule habileté: Affinités entre espèces, vigueur des deux parties mise en contact, état de sève du sujet, saison, température, hydrométrie, position lunaire, propreté de vos outils, et suivi de vos travaux. Alors n'hésitez pas à multiplier les essais. Ne craignez pas l'échec.

     Si vos greffes en couronne ont échouées, profitez des réitérations de votre arbre. Sélectionnez les plus vigoureuses. Ces nouvelles branches se prêteront à leur tour à des essais de greffes en écusson ou de greffes en fente qui nécessitent du bois jeune et lisse.

     Attention, les jeunes greffes demandent soin et surveillance surtout au réveil de la végétation et pendant leur première saison. Il faut palisser les jeunes rameaux pour éviter la casse due aux oiseaux ou au vent. Il faut veiller a ébourgeonner régulièrement les rejets du porte-greffe . Méfiez vous aussi des pucerons,des chenilles et autres coupe-bourgeons.

     Enfin pour finir je ne saurai trop vous conseiller, pour parfaire votre formation de greffeur, de vous tourner vers vos techniciens locaux. Que ce soit au sein de vos associations pomologiques locales, chez un pépiniériste ou encore auprès de personnes ressources de votre entourage.

     Il existe également pléthore d'ouvrages qui traitent de greffes en tout genre. Pour ma part, je consulte souvent «l'art de greffer» de monsieur Charles Baltet, édition originale de 1892, réédité chez Jeanne Laffite. Une référence en la matière.

     

      L'aubepine (Crataegus)

     Pour le greffeur cet arbre est une vraie panacée. On peut y greffer en couronne le néflier (Mespilus), le poirier (Pyrus) ( Les variétés à fruits fermes et rustiques semblent mieux y convenir) et la très voisine azerole (Crataegus azarolus) . En greffant à œil dormant le cognassier (Cydonia) et le bibacier (Eriobotrya) peuvent aussi y réussir.

     

     Sorbier et alisier (Sorbus)

      La couronne de poirier (Pyrus) et de néflier (Mespilus) est possible aussi bien sur les sorbiers que sur les alisiers .

     

     Le cerisier de sainte lucie (Prunus mahaleb)

     Toutes les variétés de cerise (Prunus avium, prunus cerasus) peuvent se greffer sur le mahaleb. La couronne ne donne pas de bon résultat. Lui préférer une greffe à oeil dormant en écusson ou en chip-budding. On peut également le greffer en fente soit en septembre soit fin février.

     

     Les pruniers (Prunus domestica) et les pruneliers (Prunus spinosa)

     Ces arbres peuvent recevoir en couronne des greffons de prunier (Prunus domestica).

     Il se prêtent également très bien à l'écussonnage ou au chip-budding de l'amandier (Prunus dulcis) , du pécher (prunus persica) et de l'abricotier (Prunus armeniaca).

     Bien évidemment les arbres greffes sur prunelier présenteront des caractères nanifiants.

     

     Le pommier sauvage (Malus sylvestris )

     Si vous avez la chance d'avoir des pommiers sauvages dans vos friches, réjouissez vous. Ces arbres supportent très bien la couronne . Vous pourrez y greffer de nombreuses varietés de pommier domestique (malus domestica).

     Voilà pour ce petit aperçu des porte-greffes les plus communs de nos friches. Il y a bien sur plein d'autres possibilités de greffage sur le sauvage que je ne pratique pas . Citons la greffe de pistachier (pistacia vera) sur le térébinthe ( Pistacia terebinthus ).

     je voudrais aussi faire des essais de chêne comestible (quercus ilex «ballotta») sur le chêne vert (quercus ilex), mais je n'ai pour l'heure pas pris le temps de trouver des greffons.

     Nous voila rendu au terme de cette promenade.

     J'espère vous avoir donné l'envie de vous lancer dans l'expérimentation passionnante de la greffe végétale. Il est urgent de contribuer aux ressources de demain tout en favorisant la diversité alimentaire et fruitière.

     Planter des arbres, greffer des friches, entretenir la forêt au même titre que faire son potager,produire ses graines ou élever quelques volailles sont aujourd'hui des actes profondément révolutionnaires.

     Ils sont le terreau de notre culture. Une culture qui se range du coté du cœur et de la vie.

     Une culture que la société mortifère où nous évoluons voudrais bien faire disparaître.

     

    Tangi.


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  • Commentaires

    1
    Mardi 13 Juin 2017 à 14:42

    Cultiver le vivant. ... C'est un art de vivre dans le respect des rythmes de la nature ... être conscient de son union profonde avec la nature.
    Prendre soin des arbres est une manière  de cultiver le  Vivant ...

    2
    Breakstone
    Samedi 3 Février 2018 à 09:18

    Nous avons 10 hectares de terre en Crau « verte » , à 3km de Saint Martin de Crau . Il y a30 ans nous avons planté 3000 amandiers sur gf 677 pécher amandiers , suite à une activité autre , paysagiste puis aujourd’hui artiste sur bois , nous avons laisser le verger sans entretien pendant 15 ans , les arbres meurent petit à petit . La végétation indigène a pris passablement le dessus ; chêne vert , filaire , frêne , laurier tin , aubépine , pistachier, olivier… dans des proportions impressionnante , 4/5 m de haut et forte circonférence de tronc . Ayant butté à la plantation d’amandiers, la végétation indigène c’est installée sur les buttes, laissant donc une large allée entre rang . Voyant cette superbe et vigoureuse végétation , nous avons décidé de la laisser , et de planter des chênes vert truffiers et noisetiers entre . Depuis nous avons plantés des noyers , eleagnus, tilleuls … Bref le but étant de faire une foret fruitière , pour s’en nourrir… Auriez Monsieur Maurice Chaudière la possibilité de passer nous voir et de nous éclairer de votre expérience ? Cordialement Hervé Brisepierre

    3
    Preaut
    Vendredi 28 Décembre 2018 à 23:45

    bonjour , je reprend pocession de mes espaces en voyant , et me rappelan mon grand pére qui faisait de mm sur les arbre en forets , ou plutôt dans les boisje trouve cela génial , je suis dans l'indre , et ravis d'aceuillir qui souhaiterais découvrir , bois et haie nourissiéres a tres bientot

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    4
    Mc
    Mercredi 28 Avril 2021 à 10:10
    Merci pour l'explication sur les ronces je ne savais pas
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